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Date : 23-11-2024 01:55:18
BOUALEM SANSAL - L'inquiétude grandit autour du sort de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal :
L’écrivain et intellectuel franco-algérien Boualem Sansal, critique acharné du régime d’Alger et de l’islamisme, a été arrêté samedi par les autorités algériennes, a annoncé dans un article au vitriol l’agence de presse publique du pays, «Algérie Presse Service», ce vendredi 22 novembre. «La France Macronito-sioniste (...) s’offusque de l’arrestation de Sansal à l’aéroport d’Alger», a notamment écrit l’APS dans un billet qui contribue inévitablement à l’érosion des relations entre Paris et Alger.
Selon Le Figato, Boualem Sansal sera présenté devant le procureur et un juge ce dimanche 24 novembre. Le pire scénario envisageable: il pourrait être poursuivi en vertu de l’article 87 bis du Code pénal. Cet article qualifie de «terroriste ou subversif» tout acte portant atteinte «à la sûreté de l’État, à l’intégrité du territoire, à la stabilité ou au fonctionnement normal des institutions». Les récentes déclarations de l’auteur sur le Maroc et l’Algérie pourraient être interprétées comme une «atteinte aux symboles de la nation et de la République». Dans ce cas, la peine maximale prévue dans ce cas est la peine de mort. Mais en raison du moratoire pratiqué de fait par l’Algérie, cette peine est systématiquement commuée en réclusion criminelle à perpétuité.
Les autorités algériennes pourraient avoir mal pris ses déclarations au média français Frontières, qui reprennent la position marocaine selon laquelle le territoire du pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie. Il s’agirait d’une «ligne rouge» pour Alger, qui pourrait valoir à l’auteur des accusations d’«atteinte à l’intégrité nationale».
«L’agitation comique d’une partie de la classe politique et intellectuelle française sur le cas de Boualem Sansal est une preuve supplémentaire de l’existence d’un courant “haineux” contre l’Algérie. Un lobby qui ne rate pas une occasion pour remettre en cause la souveraineté algérienne», écrit l’agence de presse algérienne dans la suite de son article. L’APS cite ainsi un «bottin anti-algérien et accessoirement pro-sioniste » qui agirait à Paris, et qui comprend notamment «Éric Zemmour , Mohamed Sifaoui, Marine Le Pen, Xavier Driencourt, Valérie Pécresse, Jack Lang» et «Nicolas Dupont-Aignan», selon l’agence.
L’agence en profite pour tacler sévèrement la «France Macronito-sioniste», qui «s’offusque de l’arrestation de Sansal (à l’aéroport d’Alger)» et qui «n’a toujours pas déclaré au monde si elle a la souveraineté nécessaire de pouvoir arrêter Benyamin Netanyahou, si jamais il se pointerait à l’aéroport Charles De Gaulle!». Depuis jeudi, le premier ministre israélien est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. L’Italie a indiqué de son côté qu’elle serait dans l’«obligation» de l’arrêter s’il venait à visiter son territoire. «Puisque Paris parle de droit et de droits de l’Homme, se conformer au droit international dans le cas de Netanyahou serait déjà un bon début», charge à nouveau l’agence.
«Le président Macron qui revient d’un voyage bronzé du Brésil, où il avait traité les Haïtiens de “cons” (la Routine quoi !), se dit “très préoccupé”», poursuit l’APS, pour qui «la France de Macron n’est pas à une contradiction près.» «Le même Macron qui parle de “crimes contre l’Humanité” en Algérie concernant la colonisation française (...) prend la défense d’un négationniste, qui remet en cause l’existence, l’indépendance, l’Histoire, la souveraineté et les frontières de l’Algérie!», écrit l’agence publique en référence à Boualem Sansal.
Cet auteur de 75 ans, aux longs cheveux gris rassemblés dans un catogan, a rencontré le succès dès ses débuts en 1999 avec Le serment des barbares, un roman qui relate la montée en puissance des intégristes ayant contribué à faire plonger l’Algérie dans une guerre civile avec un bilan officiel de 200.000 morts. L’écrivain, qui a toujours affiché sa liberté de pensée, que ce soit contre le pouvoir ou l’intégrisme religieux, depuis qu’il s’est lancé en littérature, prédit une arrivée de l’islamisme au pouvoir dans «2084», paru en 2015. Ses livres, édités en France, sont vendus librement en Algérie, mais l’auteur y reste controversé, notamment depuis une visite en Israël en 2014.
Bien que honni tant par le régime que par les islamistes, Boualem Sansal continuait d’habiter ces dernières années en Algérie, où cet économiste de formation a mené une longue carrière de haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie d’où il avait été limogé en 2003 pour ses positions critiques contre le pouvoir. En 2019, il se rendait régulièrement de Boumerdès, à 50 kilomètres à l’est d’Alger, où il réside habituellement, à Alger pour participer aux manifestations prodémocratiques du «Hirak » contre le pouvoir qui ont conduit à la démission du président Abdelaziz Bouteflika. L’intellectuel a été naturalisé français en 2024.
«La France qui légifère à tour de bras sur les lois mémorielles, surtout quand il s’agit du révisionnisme anti-juif (Loi Gayssot), ne devrait-elle pas, plutôt, condamner Sansal pour sa tentative de nier l’existence même de la Nation algérienne?», peut-on lire.
Enfin, l’APS continue en jugeant qu’«à chaque poussée de fièvre anti-algérienne, Paris charge Alger de tous les maux alors que l’Algérie agit, toujours, selon le principe de cohérence.» «Accuser l’Algérie d’empêcher la liberté d’expression, alors que les Français détiennent toujours Pavel Durov , le fondateur de la messagerie Telegram , plateforme mondiale de l’expression, est la confirmation de cette sinistre comédie dont seul Sansal est le pantin utile», termine l’agence de presse. Quelques minutes après la publication de cet article, l’éditeur de Boualem Sansal, Gallimard, a appelé à la libération de l’écrivain après son «arrestation» en Algérie.
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