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Date : 11-02-2025 18:04:48
IMMIGRATION IRREGULIERE : Qu’est-ce que la « directive retour » de l’U.E. que Bruno Retailleau veut reformer ?
>>> La directive retour de 2008 a pour but d’harmoniser les conditions de rétention et d’expulsion des immigrés illégaux dans l’Union. Elle fait l’objet d’une volonté de réforme de la part du ministre de l’Intérieur qui la qualifie de directive « anti-retour ».
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau souhaite une réforme de la « directive retour » de l'Union européenne. LP/Olivier Lejeune LCI proposera une émission spéciale "La Grande Confrontation - Face aux Français" présentée par David Pujadas.
« Adoptée en 2008, la directive Retour devrait plutôt être qualifiée de directive anti-retour. Il est essentiel de la réformer. C’est l’un des objectifs de ma visite à Strasbourg », a déclaré le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ce lundi soir sur le réseau social X.
Ce sujet est l’un des mantras du locataire de la place Beauvau depuis plusieurs mois. Mais en quoi consiste réellement cette directive européenne qui fait l’objet de l’attention du ministre ?
La « directive retour » de 2008 a pour but d’harmoniser les conditions de rétention et d’expulsion des immigrés illégaux dans l’Union. Elle fixe ainsi des normes minimales afin que les étrangers en situation irrégulière soient traités de la même manière dans les 27 États membres.
Sur la question de la reconduite aux frontières, son article 7 prévoit par exemple qu’une décision de reconduite d’un étranger doit laisser un délai approprié, allant de 7 à 30 jours, pour permettre le « départ volontaire » de l’étranger concerné. Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que la mesure d’éloignement peut être exécutée.
En outre, précise le Conseil d’État français, le quatrième paragraphe de ce même article aménage des possibilités de réduction, voire de suppression de ce délai dans certaines hypothèses (risque de fuite, demande de séjour régulier rejetée comme manifestement non fondée ou frauduleuse, danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale). Il fixe un maximum de 180 jours de rétention dans le cadre de cette procédure. En France, il est de 90 jours au maximum hors cadre de « terrorisme » (210 jours).
>>> ‘‘DIRECTIVE ANTI-RETOUR’’ POUR RETAILLEAU
Par ailleurs, les étrangers en situation irrégulière bénéficient, grâce à cette directive, d’un droit à l’aide judiciaire et d’un droit de recours, qui n’existaient pas dans tous les pays de l’Union au moment de sa mise en place. Des mesures d’assistance comme la mise à disposition d’interprètes ou la fourniture de soins médicaux sont également prévues dans ce cadre législatif.
Si le ministre de l’Intérieur a fait de cette directive, qu’il qualifie de directive « anti-retour » son cheval de bataille, c’est notamment en raison d’un consensus au niveau de certains partis européens qui se dessine sur l’échiquier transnational, comme l’ancien sénateur LR de Vendée l’a martelé en novembre dernier. Mais malgré une rencontre de plusieurs acteurs de la question au niveau européen ce mardi au Parlement de Strasbourg, le cabinet du ministre a fait savoir au Parisien qu’aucune annonce n’était prévue pour le moment.
En effet, cette réforme passe obligatoirement par un vote au parlement qui n’est pas acquis d’avance, malgré une représentation penchant largement à droite depuis les dernières élections. En 2019, la refonte de la directive avait été bloquée par la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), faute d’accord inter-groupes.
>>> ‘’UN PARAPLUIE LEGISLATIF’’
Du côté des spécialistes du droit des étrangers en France, on s’inquiète de cette offensive, pour l’instant médiatique, du ministère de l’Intérieur, qui vient déjà de subir plusieurs revers sur le fond dans la procédure d’expulsion de l’influenceur algérien Doualemn.
« Cette directive est un parapluie législatif. Elle revient sur les limites à l’éloignement, sur les délais de rétention et sur des décisions d’expulsion qui doivent être motivées », rappelle l’avocate Lucie Simon, spécialiste du droit des étrangers en France, qui souligne que cela pose un cadre que le droit national est tenu de le respecter.
« Cela m’arrive de l’invoquer mais c’est loin d’être une directive hyperfavorable aux étrangers », continue-t-elle. Pour cette avocate chevronnée, « cette attaque contre la directive retour tient d’une construction intellectuelle un peu fausse selon laquelle le problème serait européen, alors même que cette directive permet déjà beaucoup d’éloignements ». « Cela va dans le sens d’une stratégie globale ayant pour but de définir le séjour irrégulier comme étant un délit en France (NDLR, une loi qui a pourtant été supprimée en 2012), dans la droite ligne de son discours faisant de la figure de l’étranger un délinquant », critique l’avocate.
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