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Date : 29-05-2025 16:56:00
PROCES LE SCOUARNEC - l’ex-chirurgien condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour violences sexuelles sur 299 victimes :
C’était la peine maximale encourue. L’ex-chirurgien Joël Le Scouarnec a été condamné, mercredi 28 mai, à vingt ans de réclusion, dont deux tiers de période de sûreté, pour viols et agressions sexuelles sur 299 victimes, commis entre 1989 à 2014.
« Il a été tenu compte du fait que les infractions commises par l’accusé sont d’une particulière gravité, à la fois en raison du nombre de victimes, de leur jeune âge, du caractère obsessionnel, voire compulsif, des agissements » de l’homme âgé aujourd’hui de 74 ans, a déclaré Aude Buresi, la présidente de la cour criminelle du Morbihan, à Vannes, à l’issue de ce procès hors norme qui a duré trois mois.
Joël Le Scouarnec avait été arrêté en 2017. Il a déjà été condamné, en 2020, à une peine de quinze ans de prison pour des violences sexuelles sur quatre enfants. Vêtu d’une veste noire, l’homme qualifié de « diable » par l’avocat général, Stéphane Kellenberger, a écouté ce nouveau verdict debout dans le box, sans ciller. Il ne fera pas appel « pour ne pas imposer un nouveau procès aux parties civiles », a annoncé l’un de ses avocats, Me Maxime Tessier.
°°° HUMILIÉE PAR CE VERDICT : Joël Le Scouarnec échappe, en revanche, à la rétention de sûreté, mesure qui permet de placer dans un centre un criminel présentant un risque élevé de récidive après la fin de sa peine, compte tenu de sa « volonté de réparer » et de son âge, a annoncé la présidente de la cour criminelle.
Le verdict a été accueilli par des cris « honte à la justice » dans la salle de retransmission dédiée aux victimes. Certaines, regroupées devant le tribunal, se sont prises dans les bras, en pleurs sur les marches du bâtiment. « Quelle déception », a déclaré Manon Lemoine, porte-parole d’un collectif de victimes, devant un parterre de caméras et de micros.
Egalement victime, Amélie Lévêque se sent « humiliée par ce verdict ». « On est 300 victimes. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout, prononcer la rétention de sûreté ? Il en faut combien des victimes, mille ? », a-t-elle dénoncé auprès de l’Agence France-Presse (AFP).
« Il sortira dès 2032 », selon le calcul de Me Gwendoline Tenier, en déduisant sa détention provisoire et en prenant en compte la confusion avec sa précédente peine. « Les victimes sont dans l’incompréhension et presque dans l’idée d’avoir été de nouveau abusées (…) car stratégiquement parlant, Le Scouarnec a fait exactement ce qu’il fallait. »
« Il est inexact de dire qu’en 2032 il serait remis en liberté », a, pour sa part, opposé Me Tessier, précisant à l’AFP que « c’est la date à laquelle [sa peine] serait aménageable » et nullement « une remise en liberté automatique ».
°°° DEUX VICTIMES MORTES, L’UNE PAR OVERDOSE ET L’AUTRE PAR SUICIDE : D’autres avocates de parties civiles, comme Me Cécile de Oliveira, ont salué un verdict « adapté d’une façon très fine à la situation psychiatrique de M. Le Scouarnec ». « La rétention de sûreté doit rester une peine totalement exceptionnelle, a-t-elle jugé. Tout cela apparaît complet, cohérent, précis et extrêmement adapté. »
Au long de trois mois d’audience, le septuagénaire a reconnu l’ensemble des faits, endossant également la responsabilité pour la mort de deux victimes, l’une par overdose et l’autre par suicide. Il a aussi inlassablement présenté ses excuses aux victimes, « une volonté de réparer », a argué sa défense.
Des mots prononcés à l’identique par Aude Buresi, qui a motivé sa décision en soulignant que « Joël Le Scouarnec a tenu à répondre quotidiennement à l’ensemble des questions qui lui étaient posées (…) sans chercher à se dérober ou à éviter la confrontation. »
« Il a tenu à assumer ses actes (…) ce qui atteste de sa volonté de réparer les conséquences de ses actes », a estimé la présidente de la cour, avec une certaine émotion dans sa voix. Et « rien ne permet d’affirmer qu’il présentera à l’issue de sa peine (…) une “probabilité très élevée de récidive”. »
°°° IMPUNITÉ : Au-delà de la seule culpabilité du médecin, la cour a aussi souhaité rappeler qu’il avait agi pendant des décennies en toute impunité. « Vous avez été l’impensé du monde médical à tel point que vos confrères, les soignants, les directeurs de cliniques et d’hôpitaux, les autorités administratives et ordinales ont été incapables de faire cesser vos agissements, a dit Aude Buresi. Même ceux qui ont vu ou entendu leurs enfants parler ont été incapables d’y croire. »
Mais, a-t-elle souligné, « il serait démagogique et illusoire de leur faire croire qu’[il] est possible » que le condamné finisse ses jours en prison. « En l’état, le droit ne le permet pas. »
Le Conseil national de l’ordre des médecins, décrié dans ce dossier, « appelle à un travail concerté avec les pouvoirs publics afin de faire émerger des actions concrètes (…) telles que la consultation systématique du bulletin n°2 du casier judiciaire et du Fijais [fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes] », selon un communiqué. « L’Ordre s’engage à faire toutes les réformes nécessaires et indispensables pour que plus jamais, un tel drame ne puisse se produire », est-il précisé.
Concernant l’indemnisation des parties civiles, une audience civile est prévue les 13 et 14 novembre.
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