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Date : 20-08-2024 17:08:57
JUSTICE :
Irmgard Furchner, accusée de complicité dans les meurtres de plus de 10 000 personnes au camp de Stutthof, dans l’actuelle Pologne, avait fait appel de sa condamnation à deux ans de prison avec sursis, rendue fin décembre 2022 au terme d’un procès mouvementé.
La plus haute instance judiciaire a rejeté sa requête. "Le verdict est définitif", a annoncé la juge de la Cour fédérale à Leipzig (est), Gabriele Cirener. Une décision saluée par le Conseil central des Juifs d’Allemagne. "Pour les survivants de la Shoah, il est extrêmement important de s’évertuer à une forme tardive de justice", a déclaré son président Josef Schuster.
Près de 80 ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale, les dossiers de crimes de l’ère nazie encore instruits en Allemagne sont de plus en plus rares. Âgée de 18 à 19 ans au moment des faits, entre 1943 et 1945, Mme Furchner était employée en tant que dactylographe et secrétaire du commandant du camp de Stutthof, Paul Werner Hoppe.
A Stutthof, un camp proche de Gdansk (Dantzig à l’époque) où périrent environ 65 000 personnes, des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques ont été systématiquement tués.
"L’accusée a vu l’état physique catastrophique des prisonniers, le manque de nourriture et de vêtements, les conditions d’hygiène déplorables, et a en outre perçu l’odeur de chair humaine brûlée, présente quotidiennement, qui s’échappait de la cheminée du crématoire", a déclaré la juge de la Cour, reprenant les motivations du tribunal de première instance.
Elle "était au courant des meurtres commis par la direction du camp" et a, par son activité de secrétaire, "apporté un soutien direct au commandant du camp et aux autres SS travaillant à la direction du camp", a-t-elle ajouté. La défense d’Irmgard Furchner avait au contraire tenté de faire valoir qu’elle n’avait pas connaissance des meurtres pratiqués de façon systématique à Stutthof.
L’ancienne dactylo avait été jugée devant une Cour spéciale pour jeunes en raison de son âge au moment des faits. La peine symbolique de deux ans de prison avec sursis a tenu compte "de la fonction hiérarchiquement subordonnée et de la capacité de résistance éventuellement réduite de l’accusée en raison de l’endoctrinement" de l’époque, a poursuivi la Cour.
Sans avoir pris la parole durant son procès ni reconnu de culpabilité, Irmgard Furchner avait déclaré lors des dernières audiences "être désolée pour tout ce qui s’est passé" et "regretter d’avoir été à Stutthof à ce moment-là".
Son procès avait débuté, en septembre 2021, de manière rocambolesque : la nonagénaire ne s’était pas présentée au tribunal de Itzehoe (nord) à l’ouverture des débats, quittant seule son logement dans un foyer pour personnes âgées. Elle avait pris un taxi pour rejoindre une station de métro de la périphérie de Hambourg et avait été retrouvée quelques heures plus tard.
Plusieurs procès d’anciens employés de camps nazis ont eu lieu ces dernières années en Allemagne, depuis la condamnation en 2011 de l’ancien gardien du camp d’extermination de Sobibor, John Demjanjuk, qui avait fait jurisprudence.
Compte-tenu du grand âge des accusés, les procès n’ont pas toujours pu se tenir pour raisons de santé ou, quand ils ont eu lieu, les condamnés sont décédés avant d’être emprisonnés, comme John Demjanjuk. Josef Schütz, un ancien gardien de camp de concentration condamné en juin 2022 à cinq ans de prison, est décédé moins d’un an plus tard à l’âge de 102 ans alors que sa défense avait fait appel.
En juin dernier, le tribunal de Hanau, près de Francfort, a refusé la comparution d’un ex-gardien du camp de Sachsenhausen, âgé de 99 ans, jugé incapable d’assister à son procès pour des raisons de santé.
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