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Date : 02-11-2024 18:31:33
GUERRE A GAZA / 3 - Impunité des soldats :
«J’ai compris que la pression militaire mettait en danger les otages, et qu’on avait créé une réalité où tuer des personnes qui tiennent un drapeau blanc peut arriver», déplore Michael avant de détailler: «On partait simplement du principe que tout individu était armé, dans une forme de négligence par rapport aux vies palestiniennes. Ça crée donc cette situation où les soldats peuvent faire ce qu’ils veulent.» Le réserviste affirme n’avoir vu aucun document relatif aux règles d’engagement circuler.
Michael se confie peu sur ses dilemmes auprès des autres soldats. «L’opinion dominante était qu’il n’y a pas d’innocents à Gaza.» En avril, il signe la première lettre de refus. À l’époque, ils étaient 40: «Un an après le début de la guerre, il y a une forme de désillusion qui gagne du terrain.»
Max Kresh fait partie des nouveaux signataires. Secouriste dans une unité d’élite mobilisée dans la région du mont Hermon, il s’estime «trahi» par un gouvernement radical contre lequel il proteste depuis 2023. «Dès le premier jour, Netanyahou a fait du traumatisme du 7 octobre une arme. Il a encouragé un climat de vengeance et de racisme», dénonce ce longiligne étudiant en biologie qui a écrit à son commandant après la mort d’Hersh Goldberg-Polin et de cinq autres otages, probablement exécutés par le Hamas fin août: «Je lui ai dit que je ne voulais pas continuer à sacrifier ma vie pour ce gouvernement, un gouvernement qui abandonne les otages.»
Arrivé en Israël en 2014, cet Américain de 28 ans décrit l’ambiance revancharde dont il fait aussi les frais: «Certains disaient que c’était un commandement de tuer tout le monde à Gaza, même les enfants, car ils deviendraient des terroristes.» Le 12 octobre, il partage ses pensées sur Facebook: «Il est temps d’embrasser nos voisins arabes et palestiniens. […] Je ne renonce pas à la paix.» Son texte circule dans son unité. «J’ai été critiqué, ostracisé et isolé, ça a été très difficile. Le discours dominant est celui de la vengeance. Mais il était impossible pour moi de ne pas m’exprimer.»
Sommée par le gouvernement de gérer la rébellion de ses soldats, l’armée a appelé les signataires de la lettre pour leur demander de retirer leurs propos, et les congédier en cas de refus. Si des réservistes «refuzniks» ont pu être sanctionnés par le passé, c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui, expose Max: «On a servi. On a fait notre devoir. C’est aussi ce qui donne une légitimité à notre parole.»
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