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Date : 14-02-2025 18:51:18
TAUX D'EPARGNE RECORD EN 2024 - "Plus le déficit d'un État se creuse, plus les citoyens épargnent", explique Marie Guerrier :
Les intérêts de l'année sont généralement versés entre le 31 décembre et le 1er janvier, ou dans les tout premiers jours de janvier. En 2024, le taux d'intérêt a atteint un niveau record, avec 17 milliards d'euros accumulés rien que pour les livrets A et les livrets de développement durable et solidaire. Les Français ont continué à épargner massivement cette année, au point que la Caisse des dépôts parle de sur-épargne. Le montant total de l'épargne en France s'élève aujourd'hui à 6.000 milliards d'euros, la majorité étant placée sur des assurances-vie.
En 2020, un pic d'épargne avait déjà été observé en raison de la crise du Covid-19, du confinement et des dépenses limitées, permettant aux Français de mettre de côté. Cette tendance était d'ailleurs mondiale.
Le taux d'épargne, c'est-à-dire la part du revenu disponible qui peut être placée, atteint aujourd'hui 18% en France. C'est une moyenne, et tout le monde n'épargne pas dans les mêmes proportions, mais 18% reste un chiffre impressionnant. Les prévisions de l'INSEE et de la Banque de France anticipent un léger fléchissement de l'épargne en 2025.
Ce que révèle cette sur-épargne
La hausse des taux d'intérêt a certainement joué un rôle. Le livret A est passé en un an et demi d'une rémunération de 0,5% à un taux de 3%. Plus les taux sont élevés, plus l'incitation à épargner est forte. Cette sur-épargne révèle aussi probablement un manque de confiance dans l'avenir, incitant à la prudence. Avant la crise sanitaire, le taux d'épargne était déjà autour de 15%, ce qui était déjà élevé. Après les Allemands, les Français sont les Européens qui mettent le plus d'argent de côté.
Il existe un mot pour cela : thésauriser, qui vient du latin "thesaurus", signifiant trésor. Se constituer un trésor est une pratique ancienne. Des articles de presse d'il y a 10 et 20 ans posaient déjà la question : pourquoi les Français se prennent-ils pour des écureuils ? Une théorie évoque le bon sens paysan, consistant à se constituer un bas de laine pour maintenir son pouvoir d'achat en cas de coup dur ou pour assurer ses vieux jours.
Les dernières statistiques de l'INSEE en 2023 montrent que les départements où les livrets A sont les plus remplis sont des départements ruraux, comme la Lozère, la Haute-Loire, et l'Aveyron, et que les plus de 65 ans détiennent la plus grande part de l'argent placé sur les livrets A. Une autre théorie, appelée l'équivalence ricardienne par les économistes, suggère que plus le déficit d'un État se creuse, plus les citoyens épargnent, anticipant des hausses d'impôts ou une défaillance étatique. Cette situation rappelle celle d'il y a 20 ans.
Si on épargne et on consomme moins, n'est-ce pas mauvais pour l'économie ?
Effectivement, c'est problématique. La consommation est le moteur de la croissance dans notre modèle économique. Consommer permet aux entreprises de fonctionner, d'écouler leurs marchandises, de payer leurs salariés, et de créer de la richesse. Tout est une question d'équilibre entre consommation et épargne.
Comment relancer la consommation, devenue bien faiblarde en France ?
Le taux du livret A devrait baisser à 2,5% en février prochain. Cela ne suffira probablement pas à inciter les Français à dépenser massivement leur épargne, car le rendement reste intéressant. Par le passé, le gouvernement a autorisé le déblocage anticipé de l'épargne salariale sur une période donnée avec un montant plafonné. Défiscaliser certaines sorties d'épargne, comme pour l'assurance-vie, pourrait être une solution. Mais il faudra surtout que les politiques recréent un climat de confiance pour "convaincre l'écureuil de lâcher quelques noisettes".
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