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Date : 09-09-2024 07:49:48
FUGUE IRLANDAISE
Un cœur qui bat, sang rouge
Et le vert profond, et le gris du ciel
Irlande...
Brumes, lumières jaunes, chaudes, du café
Une bière, et le jeu de fléchettes, paille et cuivre
La voiture noire roule lentement
De flaque d'eau en flaque d'eau
Traçant un sillage léger, qui s'efface presque instantanément
Un nuage vient de cacher la lune
Il n'y a pas un souffle de vent
Une corne de brume mugit
Au loin, au large, au fond de la mer
Rochers, écume, marins
Et le cimetière, aux croix de pierre moussues
Une petite plaque d'émail
Parle d'une vie qui s'est arrêtée
Cette année-là
Un fils vivant au matin,
Un corps perdu le soir
Et la mère
Qui n'a plus la force de vivre
Une autre bière, souffler la mousse
Découvrir son visage, au fond du verre vide
Blafard
Et, à l'intérieur de la casquette
L'étiquette noire aux lettres dorées défraîchies
Une autre bière
J'aurai vingt ans demain.
La voiture noire s'est arrêtée
Serrée entre les murets qui bordent le chemin
Cent mètres, pas plus
Il reste cent mètres à faire, les plus longs
Une grille, une chaîne
Un cadenas rouillé, ouvert, laissé pour compte
Le piano mécanique déroule une chanson à boire
Un autre nuage a remplacé le précédent
Parti vers d'autres horizons
Il ne sait pas
Éclat de la lande mouillée, gorgée d'eau
Puis le noir, pas d'étoiles
La nuit
Un cheval s'agite dans son box
Un homme blond sort du café
Un autre, brun, y entre
Et la porte
Ne s'est ouverte et fermée qu'une fois
Une autre bière
Une fléchette vient de tomber à terre
Cette note-là est fausse, le piano est désaccordé
Fin du voyage
Il n'y a plus de lune
Il n'y a plus de musique
Il n'y a plus cette lumière jaune, chaude
Le café est fermé
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