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Date : 30-08-2024 07:15:31
DIALOGUE AVEC PABLO NERUDA (LA NUIT DANS L’ÎLE)
J'étais aveugle et sourd, voilà que je t'entends, que je sais lire
Et tu m'offres de si beaux poèmes, et je ne suis plus jaloux
J'étais silence fermé, et même le silence, ce jour je peux le dire
Pablo, tu sais, voilà deux cœurs et c'était deux cailloux
"Toute le nuit j'ai dormi avec toi", et cela grâce à elle, elle...
La terre leur offrait toutes ses beautés, et le ciel ses étoiles
La musique des sources, des arbres, jouée par l'eau et le vent
La danse des montagnes et de la mer, et la neige, et les voiles
J'ignorais que j'ouvrais les fenêtres de mon calendrier d'Avent
"Près de la mer, dans l'île", et cela grâce à elle, son île...
Elle m'écrivait alors son espoir, et sa lumière a éclairé ma nuit
Tu vois, Pablo, la nuit je ne l'aimais plus, c'était une habitude
Une compagne froide qui vous prend, et puis la mort s'ensuit
Son compagnon à elle, tu sais, n'en était pas non moins rude
"Sauvage et douce tu étais, entre le plaisir et le sommeil,
entre le feu et l'eau", et cela grâce à elle, auprès de moi...
Noël est arrivé, le jour se lèvera encore, bientôt, sur le Chili
J'ai ouvert la dernière fenêtre du calendrier, comme le mien
Je lis tes vers, elle me parle et je n'ai plus peur, j'étais avili
Torturé et tortionnaire, c'est sa victoire, son combat, le tien
"Très tard peut-être", et cela grâce à elle, on a le temps...
On dit que c'est l'hiver, Pablo, il neige là-bas en septembre
Des fusils barricadaient ma porte, elle est entrée par la fenêtre
La dernière du calendrier, et m'a réveillé, son parfum d'ambre
Je vais être enfin ce que je voulais être, simplement être
"Nos sommeils se sont-ils unis", et cela grâce à elle, vivants...
La mort, Pablo, annoncée en ce mois de givre, de glace là-bas
Le mienne, dont on ne parlera pas, avant même que je meure
La beauté de cette femme entrevue quand tu étais à bas
Puis de nouveau vivant, sa beauté, oui, offerte à son heure
"Par le sommet et par le fond", et cela grâce à elle, au plus haut...
Le calme trop calme, pesant, la paix des armes, la solitude
Cette paix connue trop de fois, et aussi ces guerres homicides
Pablo, tu dis si bien l'amour, je n'ai pas la même gamme, l'étude
Ces mots tuent les enfants du malheur, justes infanticides
"Là-bas comme des branches agitées par le même vent",
Et cela grâce à elle, j'avance...
Retrouver le sens de l'arbre, du tronc, des racines, des feuilles
Des branches, ce que je suis, le ciel au-dessus, les pieds sur terre
Nourri par toi, Pablo, caressé par elle, fasse qu'elle le veuille
Et respirer, et dire: aujourd'hui, c'est la mort qu'on enterre
"En bas, comme rouges racines se touchant", et cela grâce à elle,
Sang rouge, le sien, le tien, le mien,
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