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Date : 12-10-2024 09:53:35
PASIONARA
Une robe cousue de vent, venu du large, de l'Afrique
Et le soleil blanc, soleil d'hiver, sue le sable blanc, aussi
Reste auprès de moi, ne rêve pas à l'horizon, Enrique
Yeux fermés, observe avec ton cœur, c'est mieux ainsi
Ca n'est plus l'Espagne de ton enfance, écoute le rire de l'Andalouse...
Rien d'autre qu'une robe transparente, cousue de vent
Elle est belle, féline, cheveux brillant d'un éclat d'ébène
Resta auprès de moi, regarde, l'oiseau s'envole, souvent
Il disparaît, l'horizon est un voleur, vois-tu où il l'emmène?
Ca n'est plus l'Espagne, Enrique, c'est un pays sans vie, au feu éteint...
D'une guitare torturée s'évadent des notes de douleur
Sur les murs blanchis à la chaux, plus de traces de sang
Où est ton frère, Enrique? N'est-ce pas cet oiseau couleur
De deuil, qui s'abat? Où est-il, quel cimetière, quel rang?
Plus rien que des pierres, des ruines, des montagnes désertiques...
La route lourde du souvenir de pluies qui ne tombent plus
Passent des villages perdus, s'ils ont jamais connu de vie
Ces pas qui te mènent vers le sud, que tu n'as pas voulus
Pas de bagages, rien, perds la mémoire, si tu en as envie
Plus rien que des déserts, voilà un pays abandonné, absent des cartes...
Je suis face à toi, mes yeux dans les tiens, bouche close
Enrique, je sais ton nom, oui, par je ne sais quel mystère
Il me vient d'autres images, des parfums, ceux d'une rose
Il en fleurissait dans les jardins de l'Alcazar, en cette terre
Pauvre et belle de ton pays, de ton enfance, Séville s'enfonce dans la nuit...
Raconte, redis-moi sa robe de vent, chante sa chanson
J'ai tant besoin de ces mots-là, laisse couler tes larmes
Tu ne la verras plus, mais elle vivra au fond de toi, raison
De plus de prier. Raconte quand se sont tues les armes
Ta sœur, Enrique, sortira de la nuit, et Madrid reprendra ses belles couleurs...
Elle sortira de la nuit, et le vent s'arrêtera... La voilà nue
Plus fragile encore qu'un cristal, plus forte de sa jeunesse
Perdu le souvenir, souhaiter la mort, elle n'est pas venue
Quelque retard au rendez-vous, et tu sais, rien ne presse
Ca n'est plus l'Espagne de ton enfance, et elle est devenue femme, à présent...
Son corps est pétri de ces terres rouge-sang de Cordoue
Son visage rayonne du feu solaire de Guadarrama, faïence
Fragile, le vieillard l'a tuée... Longues jambes qu'elle noue
Sur moi, et hier elle marchait à peine, crevant d'impatience
Disant: je reviendrai, mon beau pays, et nous revivrons notre belle histoire...
Je reviendrai te faire un enfant, sais-tu, l'éternité existe
Créée de toutes pièces, chimie du ciel lié au sel de notre sol
Terre féconde et fécondée, oui, Enrique, mon frère si triste
Je vis, j'abats les murs de la prison, et je prend mon envol
Ca n'est plus l'Espagne, non, c'est un autre pays qui naît, que tu ne connais pas...
Et chaque battement de nos cœurs irriguera les champs de nos amours…
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