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Date : 17-12-2023 15:15:06
BOTANIQUE - Ces mauvaises herbes qui germent encore après 140 ans
Il y a 140 ans, un botaniste de la Michigan State University, William James Beal (1833-1924), a enterré, dans un coin du campus tenu secret, des graines de vingt-trois espèces de mauvaises herbes dans des bouteilles à moitié remplies de sable et le goulot orienté vers le bas, afin d’éviter l’accumulation de l’eau. Vous savez, on appelle mauvaises herbes ces végétaux un peu parasites qui poussent au hasard et obligent les jardiniers à désherber des surfaces. A priori, ces plantes ne servent à rien. L’expérience qui nous intéresse est pourtant bien singulière.
Puisque tous les cinq ans, puis tous les dix ans, puis enfin tous les vingt ans, l’une des bouteilles contenant ces graines est extraite du sol. À l’origine, le but était de déterminer combien de temps ces échantillons survivraient. Si la plupart de ces spécimens ont perdu leur vitalité au cours des soixante premières années d’enfermement, certains, au contraire, poussent, ou plutôt germinent toujours. Exemple avec quelques molènes, ou herbacées Dicotylédones, qui continuent à défier le temps.
La question originelle de William Beal – combien de temps ces plantes indésirables peuvent survivre dans un sol? – demeure donc parfaitement valable, même sans réponse. Comme quatre bouteilles restent encore enterrées, l’expérience se poursuit, et durera même jusqu’en 2100. Elle revêt ainsi une importance éloignée du caractère anecdotique qu’elle pouvait revêtir de prime abord.
«Notamment pour la conservation des espèces rares et la restauration des écosystèmes, explique Lars Brudvig, un professeur de biologie végétale. Exemple avec les plantations de prairies sur d’anciennes terres agricoles. Nos résultats aident à déterminer quelles espèces de plantes pourraient constituer des mauvaises herbes problématiques pour un projet de restauration et quelles autres espèces pourraient ne pas l’être, en fonction de la durée pendant laquelle un champ a été cultivé avant d’être restauré.»Par ailleurs, grâce à un tout premier séquençage de l’ADN des graines enterrées par William Beal il y a plus de 140 ans, les chercheurs ont pu confirmer la nature des espèces représentées. Et parmi celles-ci, ils ont détecté un hybride, résultant probable d’une erreur de manipulation datant du lancement de l’essai.
Cette expérience scientifique active est l’une des plus anciennes au monde. Et elle est toujours en cours. Ce qui au départ était destiné à venir en aide aux agriculteurs dépasse aujourd’hui largement ce cadre. William James Beal, son initiateur, fut un pionnier dans le développement du maïs hybride.
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